La transformation numérique de l’information relative à la durabilité est en cours !
Conférence Chatham House, Londres, 26 avril 2022
La conférence « The Digital Transformation of Sustainability Information is Now Underway » s’est tenue à Londres le 26 avril 2022 à l’initiative de Chatham House, Capitals Coalition et CIFF (Children’s Investment Fund Foundation). Cette conférence hybride a réuni des régulateurs, fournisseurs et utilisateurs de données : investisseurs, chefs d’entreprise, décideurs, chercheurs et normalisateurs afin d’échanger les meilleures pratiques visant à créer des cadres numériques (digital frameworks) pour la « révolution de l’information relative à la durabilité » (sustainability information revolution). Voici un compte rendu – non exhaustif – de cette journée. La DFCG était représentée par David Wray (Président du groupe International de la DFCG) et Charles Bonati (Délégué aux études, aux publications et à la communication de la DFCG).
« On ne peut pas résoudre un problème avec le même mode de pensée que celui qui a généré le problème », Albert Einstein.
Engagements d’émission, COP 26 et 27
On appelle émission « nette zero » une situation dans laquelle les émissions qui pénètrent dans l’atmosphère sont équilibrées par leur élimination hors de l’atmosphère. Les « engagements nets zero » (net-zero commitments) incluent environ 90 % du PIB mondial et 85 % de la population.
A la suite de la COP 26 (Glasgow, octobre-novembre 2021), se manifeste une volonté accrue de mettre œuvre ces engagements, afin de rendre l’économie plus vertueuse et de l’« aligner » avec les Accords de Paris de 2015.
Or, « On ne peut gérer ce qu’on ne peut mesurer » (”You can’t manage what you can’t measure”) et la mesure permet le changement. Ainsi, pour accroitre la capacité à faire des investissements et des choix plus durables, il est essentiel d’améliorer les flux de données relatives à la durabilité (sustainability data).
La numérisation de ces données peut faciliter l’accès à l’information, permettre aux organisations de prendre des décisions plus éclairées, et accroître la responsabilité (accountability) des investissements. La numérisation est clé !
En outre, il est important que les flux de données et les infrastructures (frameworks) de données soient interopérables.
L’objectif est de créer l’environnement et les infrastructures pour mettre en œuvre la transition. Le secteur privé, publics et le grand public (general public) doivent collaborer et œuvrer de concert : nous avons tous un rôle à jouer !
Taxonomie numérique et cadre législatif
La donnée n’est intéressante que si elle est utile à la prise de décision. L’information durable (sustainable information) doit être liée aux business models. Et les business models doivent être plus durables.
Il existe un arbitrage entre subjectivité et comparabilité des données. De nombreuses informations sont subjectives : par exemple la question « Combien ai-je de clients ? ».
Les acteurs de l’économie (investisseurs, décideurs, marchés des capitaux, etc.) ont besoin de disposer d’information de qualité, accessible, et bon marché (cost-effective). Il est aussi important de concevoir une taxonomie numérique (digital taxonomy) afin de rendre l’information structurée et lisible par machine.
Pour que des données relatives à la durabilité puissent émerger, les pouvoirs publics devront imposer aux entreprises de se conformer à un cadre législatif strict. A ce jour, un tel cadre législatif reste encore largement à définir.
En Europe, les divergences réglementaires (regulatory divergence) et les coûts de conformité (compliance costs) représentent entre 2 % et 4 % des coûts d’exploitation totaux des organisations et ces coûts ont fortement augmenté au cours des dernières années. Le défi est de mettre en œuvre un processus de numérisation qui garantit que les données sont lisibles par machine (machine-readable), accessibles et fiables (trusted). L’ère du pdf est terminée !
Risques et opportunités associés à la transition
De manière générale, la durabilité (et plus généralement la RSE) comporte des risques et des opportunités. Toutefois, les entreprises ont tendance se focaliser uniquement sur les risques et les coûts, et non pas sur les opportunités et les aspects positifs de la transition.
De la NFRD à la CSRD
En 2014, la Directive européenne 2014/95/UE sur le reporting extra-financier (Non Financial Reporting Directive, NFRD) traitait la problématique de la qualité des données dans une environnement durable.
En 2020, avec la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) la Commission européenne a émis une révision juridique et a élaboré des standards : les grandes entités devront (à partir d’un certain seuil) publier des informations relatives à la durabilité. La CSRD est un élément essentiel.
Un important changement de paradigme
Il est nécessaire d’accroitre la responsabilité et la comparabilité des données. Le reporting obligatoire constitue un important changement de paradigme : c’est un grand changement pour les entreprises, et les mentalités doivent évoluer. De plus, le reporting obligatoire est un outil efficace, il permet de modifier les comportements, l’allocation du capital et les investissements. Mais le reporting obligatoire engendre des coûts importants.
II est nécessaire d’harmoniser les différents standards afin que ceux-ci concordent. Les détails de la « tuyauterie » (plumbing) ne doivent pas être négligés.
La pensée intégrée (Integrated thinking) – qui invite à repenser l’entreprise pour l’inscrire en cohérence avec son écosystème et sa trajectoire stratégique – peut être utilisée avec profit.
Plus de 70 % des réductions d’émission devront être effectuées dans les économies émergentes. Les économies émergentes et les PME des économies industrialisées sont en retard !
Un mouvement extraordinaire et puissant est en marche concernant la réglementation (regulation) ! Il est nécessaire de trouver les bons mécanismes du type « carotte et bâton ».
Conclusion
La digitalisation peut malheureusement exclure certaines catégories de personnes. La digitalisation n’est qu’une partie de la solution, mais une partie importante ! Aujourd’hui nous en sommes au début ! Les choses avancent rapidement. Nous sommes à un point critique (tipping point).
En définitive, il ne s’agit pas seulement de données… il s’agit de changer les comportements pour changer le monde.
Cette conférence a posé les jalons qui permettront d’élaborer un cadre pour les données relatives à la durabilité. Nous devons désormais agir et transformer les idées en actions et solutions utiles. C’est plus facile à dire qu’à faire car il n’y existe pas de solution simple à un problème complexe.
Bibliographie
[1] Net-zero Tracker (2022), Global Net-zero Coverage: zerotracker.net
[2] The Digital Transformation of Sustainability Data – Strategic Finance, Watson, L. and Wray, D. (2022), sfmagazine.com
[3] ISSB, deux documents de travail.
[4] EFRAG, Draft European Sustainability Reporting Standards (Avril 2022). www.efrag.org/Assets/Download?assetUrl=%2Fsites%2Fwebpublishing%2FSiteAssets%2FESRS_CN.pdf
[5] Global Reporting Initiative (GRI), organisme indépendant de normalisation concernant la performance en développement durable d’entreprises et d’organisations et la divulgation d’information.
[6] Digitalization of Sustainability Data, How technology consortia/technology standard-setters contribute to the digital transformation of sustainability information in the marketplace, TPFIII & IMP Workstream A, March 31, 2022.
[7] Digitalization of Sustainability Data, Technical approaches (« Best practices ») relating to data modelling for collecting and managing sustainability information, TPFIII & IMP Workstream B, March 31, 2022.