« Cette crise agit comme un révélateur » Entretien avec Marie Paillard et Grégoire Beaurain, Grant Alexander

 

« Cette crise agit comme un révélateur »

Entretien avec Marie Paillard et Grégoire Beaurain, Grant Alexander

Publié le 16 mars 2021.

Indéniablement, la crise actuelle impacte le marché du travail. Mais pas seulement. Elle influe sur les attentes des entreprises vis-à-vis des financiers d’entreprise.
Les qualités attendues d’un dirigeant financier évoluent-elles ? Quelles sont les perspectives à court, moyen ou long terme ?
Pour répondre à ces questions, nous avons interrogé Marie Paillard, Associée chez Grant Alexander – Executive Interim, et Grégoire Beaurain, Directeur de la practice Finance au sein de Grant Alexander – Executive Search, qui partagent avec nous leurs retours d’expérience et leur analyse.

Vous êtes des observateurs privilégiés du marché du travail. Quel est l’impact de la crise pour les financiers d’entreprise ?
Marie Paillard : Aujourd’hui encore, la situation manque de lisibilité. Les aides massives de l’État ont permis d’amortir les effets de la crise sur le marché du travail. On observe même un net recul des procédures collectives en 2020. Dans de nombreux secteurs, au recul du chiffre d’affaires, se sont substituées aides et dettes avec le PGE, différés de charges sociales, d’impôts ou de loyers. Le désengagement progressif de l’État sera crucial ; on peut craindre les conséquences d’une forme de mur de la dette en 2022 si l’activité ne reprend pas à un rythme suffisant d’ici-là. Avec des conséquences inévitables sur l’emploi.

Grégoire Beaurain : Cette crise agit comme un révélateur. Je m’explique... Si un dirigeant financier excelle à son poste, elle lui permettra d’exprimer pleinement ses talents et ainsi d’évoluer. Dans le cas contraire, elle pourrait accélérer sa mise à l’écart. Nonobstant, on ne peut pas raisonner de manière uniforme. Il faut distinguer selon les secteurs d’activité. Il y a ceux qui bénéficient clairement de la crise comme la logistique, les laboratoires pharmaceutiques, le secteur du numérique. Le rythme des recrutements ne fléchit pas.
En contrepoint, dans les secteurs en grandes difficultés comme l’évènementiel, la restauration ou encore l’aéronautique, les recrutements sont à l’arrêt. Quand il ne s’agit pas de plans de départs. L’effet accélérateur y joue pleinement.
Le mental, qui n’est pas figé, compte énormément. Pour certains, la crise raisonne comme une opportunité et leur permet de se révéler. Y compris en prenant leur carrière en main pour aller chercher une évolution dans une nouvelle entreprise. Ce sont souvent de fins « réseauteurs » qui s’en sortent merveilleusement bien.
Pour d’autres, lorsque le mental n’y est pas, en raison d’une multitude de circonstances, cela peut conduire à l’immobilisme. La situation peut rapidement devenir critique car, dans ce type de crise, la direction générale doit pouvoir compter sur une réactivité et une adaptabilité de son management.

Quelles sont les compétences les plus sollicitées durant cette crise ?
GB : Indéniablement, une forme de souplesse, de plasticité mentale. Celle qui détermine la capacité à s’adapter pour répondre rapidement aux attentes de la direction générale, mais aussi celle des équipes qui ont dû elles-mêmes s’adapter aux nouvelles modalités organisationnelles induites par le travail à distance.
Sur un plan plus technique, la focale s’est centrée sur la gestion du cash et la prévision à très court terme, parfois à quelques jours pour pouvoir piloter dans la tempête. En somme un prévisionnel plus nerveux, avec pour leitmotiv : cash is life !

MP : Dans le même temps, les dirigeants financiers confrontés à des difficultés de trésorerie, ont dû s’atteler à rechercher des financements ainsi qu’au cost killing. Sans omettre d’accélérer leurs projets digitaux pour assurer la continuité de l’activité et permettre un meilleur reporting.

GB : De mon point de vue, les directeurs financiers font partie des métiers qui ont le plus souffert. Il faut imaginer le stress de devoir renvoyer chez elles ses équipes en période de clôture… Dans ces conditions, coordonner à distance a été une révolution et une véritable prouesse. D’autant plus que nombre d’entre eux n’étaient pas très favorables au télétravail.

MP : On constate, in fine, que cette situation a été un révélateur et une véritable opportunité d’accélérer la dématérialisation des processus et de gagner en efficacité. Et, au bout de tout cela, il en ressort une très grande satisfaction partagée avec les équipes d’avoir su faire face. Et d’en ressortir plus forts. Nécessairement, des postures vont demeurer.

La sortie de crise semble se profiler... Qu’est-ce qu’il restera de tout cela ?
GB : Avoir su gérer une telle crise est riche d’expérience. Vous savez, le fameux concept nietzschéen : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » ! Dans un parcours professionnel, et notamment lors d’une phase de recrutement ou de promotion, cela fait partie du story telling… Ce sont au final, de belles expériences à partager.
Je pense qu’il restera également un mix entre télétravail et présence au bureau avec, dans certains cas, une configuration de flex office. Et cette capacité pour les membres d’une équipe à maintenir la communication dans toutes les configurations, dans un laps de temps plus court et plus efficace.
Les managers vont devoir changer de posture en animant leur équipe au moyen de rituels leur permettant de prendre la température, de fixer les objectifs communs, de motiver. C’est un vrai bouleversement en termes de relations de travail qui induit plus de confiance, plus d’autonomie et de responsabilisation. Le temps du micromanagement est révolu. De l’art de manager et de donner du sens au travail pour ne pas que le lien se distende !

MP : Sur le plan métier, si les dirigeants financiers ont considérablement accru leur compétence dans le pilotage fin du cash cette dernière année, il faudra savoir en faire une routine, grâce aux outils mis en place, pour revenir aux sujets stratégiques qui préoccupent les directions générales. Autrement dit, le pilotage de la performance et la gestion des investissements.

Justement, au-delà de cette crise, quelles sont les tendances à plus long terme en matière de compétences attendues par les directions générales ?
GB : Plus que jamais un DAF stratège, un numéro 1 bis : un communiquant et un copilote, capable de donner tout son sens à la finance. Capable, au-delà du compte de résultat de montrer la valeur d’autres données en particulier extra-financières, relevant de la RSE notamment, pour porter la marque employeur, lever des fonds et contribuer à la performance « globale » de l’entreprise.

MP : Il y a également le DAF tacticien, digital, sachant mobiliser les outils numériques pour affiner ses prévisions, les rendre plus fiables et plus rapides.

Quelles recommandations pourriez-vous faire à un DAF en poste ?
GB : Fondamentalement, nous traversons une période de fortes transformations tous azimuts. Le numérique, le management… Le métier est au cœur de ces changements.
Un dirigeant financier doit être capable de faire bénéficier à son entreprise du meilleur de ce qui se pratique par ailleurs. En somme, il doit être en veille perpétuelle et observer ce qui se passe à l’extérieur. Comment faire pour cela ? Se former bien sûr. Il existe une offre pléthorique de formations et en particulier en ligne. Il faut également savoir tisser son réseau de professionnels pour échanger et partager les bonnes pratiques.

MP : Enfin, on attend beaucoup de la posture managériale du DAF, qui combine à la fois cette capacité à se remettre en question en permanence, mais également celle à conduire le changement, à montrer l’objectif et les moyens pour l’atteindre. Se faire accompagner, coacher, pour développer de nouvelles compétences est essentiel.

Quels conseils donneriez-vous à un dirigeant financier sur le marché du travail ?
GB : Le premier qui me vient à l’esprit c’est de mettre en avant une expertise sectorielle. En période de crise, la bonne connaissance d’un secteur est un atout essentiel, pour être opérationnel très rapidement.
 
MP : Le second est de ne pas hésiter à choisir de nouveaux modes de collaboration, comme par exemple le management de transition qui permet d’apporter son expertise à une entreprise pendant plusieurs mois et de l’accompagner dans une phase clé de son évolution, de sa transformation. C’est une expérience riche, à valoriser !
 
Quelques mots sur Grant Alexander, notre partenaire du trophée du directeur financier de l’année et du prix du jeune financier…
Grant Alexander est, depuis 30 ans, le partenaire de la performance des organisations et de leurs dirigeants qu’il accompagne de manière globale sur tous leurs besoins en gestion et développement de la compétence, avec une réponse toujours sur-mesure. Groupe multi-spécialiste de conseil et services RH, avec trois activités (Executive Search, Executive Interim, Leadership and Organisation Development), il intervient dans tous les secteurs, sur toutes les fonctions (dirigeants / experts / profils rares), en France via ses implantations à Paris, Lyon, Marseille, Nantes et Toulouse, et à l’international, grâce à un réseau de partenaires de premier rang.