Cahier technique ESEF – IXBRL : tout ce qu’il faut savoir pour réussir son processus d’implémentation

 

Entretien avec Pierre Hamon,

Membre du CA de XRBL France et rédacteur du Cahier technique de la DFCG

 

 

Opposable aux rapports annuels des sociétés cotées pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, le format ESEF–iXBRL promet de faire l’actualité des directions financières en cette fin d’année 2020. Sont-elles prêtes ?

Quoiqu’il en soit, le Groupe Systèmes d’information et digital de la DFCG (GSID) s’est mobilisé pour vous apporter la matière première afin d’en maitriser la technique. Comme nous l’explique Pierre Hamon, son rédacteur.

Pierre Hamon, vous avez grandement participé à la rédaction du Cahier technique sur le format ESEF – iXBRL. Pourquoi ce Cahier technique à ce moment précis ?

Tout simplement parce que les sociétés cotées, à compter de leur exercice 2020, devront publier leur rapport financier au format ESEF–iXBRL. Ce Cahier technique arrive donc à point nommé pour accompagner les directions financières dans cette mise en œuvre impérative.

Nous assistons d’ailleurs à l’aboutissement de la stratégie déployée pour imposer ce format, en passant par la voie règlementaire. Une stratégie initiée aux USA, lorsque la SEC a décidé de contraindre les sociétés cotées à utiliser XBRL. Et ainsi de se répandre à travers le monde, en passant par le Japon, la Chine… En Europe, c’est la BCE qui a initié le mouvement en recommandant aux banques centrales des États membres d’utiliser ce format.

Puis en 2013, la modification de la directive européenne transparence visant à renforcer la protection des investisseurs et améliorer la qualité du cadre réglementaire et des pratiques de communication financière, a imposé ce format avec une entrée en vigueur début 2021. Nous sommes donc ici, au terme d’un long processus

Qu’est-ce qui explique aujourd’hui le succès de ce format ?

Outre cette emprise réglementaire, il y a bien sûr un aspect plus profond : il s’agit d’un standard gratuit et universel. En somme, il parle aux quatre coins de la planète ce qui, vous avouerez, simplifie grandement les choses dans un contexte fortement mondialisé !

Auparavant, nous vivions dans une sorte de tour de Babel des formats, chaque destinataire d’une information financière imposant le sien à son émetteur. Il fallait donc utiliser des outils de transformation pour pouvoir parler à chacun et échanger.

Vous pouvez donc imaginer l’énergie et les ressources que cela va désormais nous faire économiser. Après, bien sûr, l’investissement nécessaire pour s’y adapter. Ce que l’on peut qualifier de coût d’entrée…

On ne peut échapper au format EDI-TDFC en matière fiscale...

L’exemple est saisissant : EDI-TDFC est un langage ancien basé sur le format des états dans lequel il est saisi. La donnée est donc liée à sa localisation dans le document. C’est ce qui l’identifie de manière extrêmement rigide.

A l’inverse, XBRL sépare le fond et la forme : il est donc beaucoup plus souple. Ce n’est pas le format qui dicte ce qu’est la donnée.

C’est la raison pour laquelle XBRL se généralise, car c’est le seul format adapté aux données financières. Basé sur le langage XML, il est robuste et pérenne. Il ne connait pour l’instant pas de concurrence, car toutes les fonctions nécessaires existent dans ce langage.

La taxonomie permet de l’adapter à toutes les situations ?

En effet, c’est la taxonomie qui fait l’intérêt de ce format. Elle est évolutive en fonction des situations. On a, par exemple, créé une taxonomie propre au plan comptable français. Ce qui ne représente pas un énorme travail. Chaque entreprise peut ensuite l’adapter à ses propres spécificités.

Comment s’assure-t-on de la cohérence d’ensemble ?

XBRL suit des spécifications très strictes. XBRL international, XBRL Europe et XBRL France veillent à cette cohérence. Ainsi, les outils qui font du XBRL sont certifiés XBRL.

Pour construire une taxonomie spécifique à un rapport, il faut suivre des règles précises conformes aux demandes des régulateurs et notamment en Europe de l’ESMA.

Afin de d’assurer cette cohérence d’ensemble, l’ESMA exige une procédure d’audit ?

En effet, l’ESMA exige un audit, même si on n’en connait pas encore les modalités exactes. Nous savons toutefois que les commissaires aux comptes en auront la charge par le biais d’un rapport spécial qui portera sur la forme : conformité aux règles, mais aussi sur le fond, à savoir exactitude des « tags ».

Les entreprises françaises sont-elles prêtes ? Quel est votre constat ?

De mon point de vue, ça a démarré lentement. La crise sanitaire est sans doute passée par là… Mais ça devrait s’accélérer en fin d’année et au début de l’année prochaine au moment d’établir les rapports annuels.

Si beaucoup ont entamé le processus, ils ne sont pas tous allés jusqu’au bout de la technique. Notamment en créant un rapport complet pour comprendre les éventuelles erreurs de cohérence. Car évidemment, il ne faut pas qu’il y ait d’erreur !

Avec un bon outil, on peut construire sa taxonomie et être vraiment au point en quelques jours. En réalité, c’est le choix des bons « tags » qui peut prendre du temps. Lorsqu’on crée un tag, il faut l’« ancrer » à un tag existant, ce qui peut entrainer des discussions car il y a une grande part de jugement.

Il faut grosso modo une semaine en connaissant les bases XBRL

Connaitre les bases de XBRL est donc une nécessité. Est-ce suffisamment le cas ?

Je crois qu’un effort d’éducation est impératif. Chacun doit comprendre exactement à quoi et à qui sert ce nouveau format. Je pense notamment aux analystes financiers qui en sont les principaux destinataires.

Aujourd’hui, nous sommes encore loin d’être au niveau d’éducation idoine. C’est un processus long. Prenez les USA : au bout de dix années d’expérience, les analystes se plaignent encore du nombre d’erreurs.

C’est le principe « garbage in, garbage out ». Si les données ne sont pas correctes, les analyses qu’on en tire sont immanquablement sujettes à interprétation et entachées d’erreurs.

Globalement que faut-il maitriser pour y parvenir ?

Il y a trois points essentiels à maitriser :

- Connaitre dans le détail ses états financiers par référence aux IFRS,

- Connaitre l’ESEF en utilisant le manuel de recommandations (« guidances »),

- Connaitre les subtilités du format iXBRL lui-même.

 

Grace à cette maitrise vous pouvez produire de bons rapports.

Ce serait un leurre de se reposer sur les outils proposés : contrairement au discours marketing, même s’ils font beaucoup, ils ne font pas tout. Le jugement, la capacité de discernement de l’être humain sont indispensables.

C’est l’ambition de ce Cahier technique ?

En quelque sorte oui. Le Cahier technique explique les tenants et aboutissants du format ESEF-iXBRL.

Il explique les bases de fonctionnement. Il donne des informations sur les processus à suivre.

Il recense et donne des indications (sans prendre de position) sur les typologies d’outils disponibles sur le marché.

En somme, c’est un résumé de tout ce qu’il faut savoir pour réussir son processus d’implémentation.

Pierre Hamon est Expert-comptable diplômé, gérant unique de etXetera eurl, spécialisé dans la technologie XBRL depuis dix ans. Son expérience couvre les divers aspects de la mise en œuvre de reporting xbrl :

  • - création du premier lien dynamique entre une application de reporting et un outil spécialisé en xbrl,
  • - auteur de taxonomies : Comptes annuels selon le Plan comptable français, Extensions de la taxonomie IFRS pour le dépôt des comptes consolidés en France et pour un régulateur bancaire étranger,
  • - utilisateur de plusieurs outils spécialisés dans la production de taxonomies et de rapports xbrl, notamment pour le dépôt des 20-F en US GAAP et en IFRS à la SEC,
  • - co-chair du Best practice task force de XBRL Europe,
  • - membre du Best Practice Board of XBRL International.

Pierre Hamon a exercé une carrière d’auditeur dans la firme Ernst & Young et une carrière de directeur chez Cartesis, éditeur de solutions de Business Management.